Les recours administratifs
Mutations inter académiques,
notation administrative ou pédagogique, promotion d'échelon, les
motifs de recours sont multiples durant l'année scolaire.
C'est pourquoi, je vous propose d'étudier plus en détail les
divers recours administratifs possibles pour contester une décision et demander
au Chef de service ou au Ministre de bien vouloir la réviser.
Lorsqu’une
décision a été prise par une autorité administrative, il vous est possible
de lui demander de revoir sa position en usant de la voie du recours administratif.
I)
Les divers types de recours
Ces recours sont au nombre de deux :
le recours gracieux et le recours hiérarchique
a) Le
recours gracieux
Il est transmis à l'auteur de la décision. Ce
dernier sera, en général, l'Inspecteur d'Académie, pour les
professeurs des écoles, le Recteur pour les professeurs certifiés et
les professeurs de lycée professionnel, le Ministre pour les
professeurs agrégés.
b) Le recours hiérarchique
Il est
effectué auprès du supérieur hiérarchique de l'auteur de la décision contestée,
c'est à dire du Ministre.
II) La forme et le fond des
recours administratifs
a) La forme
Le recours
administratif est un document formalisé. Il doit comporter :
* Un
rappel rapide de la situation et des faits ;
* Les raisons
motivant la demande de révision ;
* La demande formelle de
révision de la décision avec, éventuellement, évocation du sens dans
lequel la révision est souhaitée.
b) Le fond
Tout
d'abord, soyez clair, concis, sobre, et respectueux.
En effet,
le recours gracieux ou le recours hiérarchique sont des documents que l’administration
va conserver en les déposant dans votre dossier administratif. Aussi,
malgré la charge émotionnelle qui peut l‘accompagner, évitez de tomber dans
un récit larmoyant ou dans des formules qui pourraient être mal
perçues. Non seulement, cela ne vous servira guère mais, au surplus,
cela ne mènerait à rien puisque l’Administration agit, en principe,
dans un cadre strictement réglementaire.
Ensuite, évitez de
vous référer à des textes réglementaires si vous n’en maîtrisez pas
les applications ou si l'application de ce texte ne correspond pas à
votre situation. En revanche, si un article de décret s'applique à votre particulier,
n'hésitez pas à le citer in extenso dans votre recours, cela orientera
les recherches de l'administration et lui permettra de revoir sa position
plus rapidement.
Enfin, renseignez-vous sur la situation
générale qui a conduit à votre situation particulière, ou sur le
contexte budgétaire ou politique qui entourent la décision
administrative. N’hésitez pas à contacter les délégués syndicaux ou
les commissaires paritaires qui, grâce à leurs contacts privilégiés
avec l’administration, sauront vous éclairer sur les circonstances de
la décision.
III) Les délais d'exercice des recours
administratifs
a) Les délais généraux
En l'absence
de signification des délais sur la décision, ceux ci ne vous sont pas
opposables. Pour autant, ne tardez pas à exercer ces recours.
Si
les délais sont mentionnés sur la décision, le recours doit
impérativement être fait dans les deux mois qui suivent la date à
laquelle la décision a été portée à votre connaissance, c'est-à-dire
la date de sa publication (décision collective) ou de sa
signification (décision individuelle).
Si vous avez fait une
demande de mutation, détachement, congé, etc., et que vous n'obtenez
pas de réponse, ce délai court deux mois après la date à compter de
la date de réception de la demande par l'administration ou de la date à laquelle
l'administration est supposée se prononcer.
Une fois votre
recours reçu, l’autorité administrative a deux mois pour vous répondre.
Pendant
ce délai, ne vous mettez pas en situation irrégulière au motif supposé du
caractère irrégulier ou illégale de la décision, vous forceriez l’administration
à en tirer les conséquences et cela ne ferait que vous desservir
lors de l’étude de votre recours.
Ainsi, rejoignez votre poste,
même si votre affectation ne vous convient pas, continuez à effectuer
votre service ou vos heures supplémentaires, même si votre
traitement ou vos heures ne vous sont pas versés, exécutez l‘ordre écrit ou
oral même s‘il est contraire à votre statut par exemple.
Si
l'administration vous répond par écrit, soit votre recours sera accepté
et la décision sera alors réétudiée avant de vous être à nouveau
communiquée, soit il sera rejeté. On parle dans ce cas d’un rejet
explicite parce que formulé par écrit.
Mais il se peut aussi
que l’administration décide de ne pas vous répondre ce dont elle a
parfaitement le droit. Ce silence s’apparente alors à un rejet de votre
recours : c'est un rejet implicite. Il a juridiquement la même valeur qu’un
rejet explicite et fait courir les délais de la même manière.
Si
les délais de recours vous ont été indiqués dans la décision initiale
ou qu'ils le sont sur la réponse à votre recours gracieux, vous
disposerez à partir de la date à laquelle la réponse à été portée à
votre connaissance ou à partir de la date de fin du délai de deux
mois accordé à l’autorité administrative pour vous répondre, d’un
nouveau délai de deux mois pour faire un recours hiérarchique ou pour
porter l’affaire devant le Tribunal Administratif.
Si vous
faites un recours hiérarchique, le Ministre disposera de deux mois pour vous
donner satisfaction ou pour rejeter implicitement ou explicitement
votre recours.
Et vous disposerez à nouveau d’un délai de deux
mois à partir de la date à laquelle la réponse à été portée à votre
connaissance ou à partir de la date de fin du délai de deux mois
accordé au Ministre pour vous répondre, pour exercer un recours
devant le Tribunal Administratif.
Dans tous les cas, si les
délais ne vous ont pas été indiqués, ce délai de deux mois ne vous
est pas opposable. Mais, une fois encore, ne tardez pas pour introduire
votre nouveau recours.
À propos des délais, il faut savoir
qu'ils sont francs et qu'ils commencent à courir le lendemain de la
publication ou de la signification de la décision. Ainsi, une
décision rendue le 1er février verra un délai franc de recours se terminer
le 2 avril à minuit.
Enfin, n'attendez pas le dernier jour du
délai pour exercer votre recours. En effet, c'est la date de
réception de votre recours par l'administration qui compte et non
celle de son envoi.
Pour résumer, dans le cas où les recours vous
sont indiqués sur la décision administrative, les délais sont, au
plus, de deux mois à partir du lendemain de la publication ou la
signification de cette décision pour faire un recours gracieux, deux
mois pour la réponse du Chef de service, deux mois pour faire un recours
hiérarchique, deux mois pour la réponse du Ministre et enfin deux mois pour
le recours contentieux, soit dix mois au plus.
Attention, un
deuxième recours de même type n'interrompt pas les délais et est donc
totalement inutile.
b) La prescription quadriennale
Aux
termes de l'article 1
er de la loi n°68-1250 du 31 décembre 1968, sont prescrites,
au profit de l'Etat, sous réserve des dispositions de cette loi, toutes
créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du
premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits
ont été acquis. Aux termes de l'article 3 de la même loi, la
prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit
par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit
pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être
légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance.
Ainsi
donc, si vous détenez, au cours de l'année 2005, une créance sur
l'Etat, vous aurez la faculté de demander son paiement jusqu'au 31
décembre 2009.
Toute demande de paiement avant la date limite
interrompt ce délai de quatre ans à la condition que cette demande
ait une date et une existence certaines. C'est pourquoi, vous
doublerez votre demande transmise par la voie hiérarchique par la
même demande envoyée en lettre recommandée avec accusé de réception.
Bien
évidemment vous suivrez les délais de recours gracieux, hiérarchique ou contentieux
avec la plus grande attention.
Si l'État vous verse une somme à
laquelle vous aviez droit avec retard, vous pourrez prétendre à des
intérêts de retard.
Ces intérêts sur le principal doivent être
explicitement demandés et cette demande doit être motivée, voire
détaillée. Ils commencent à courir à la date de la demande et sont
calculés sur la base du taux d'intérêt légal en vigueur à la date de
la demande.
Des intérêts capitalisés peuvent aussi être demandés
et accordés si un an ou plus s'est écoulé depuis la date de la
demande.
En cas de refus de l'administration, vous pourrez saisir
la Juridiction administrative pour qu'elle vous accorde intérêts de
retard et intérêts capitalisés.
IV) Le cas du recours pour
dommages commis sur le véhicule personnel du fonctionnaire
L'Éducation
nationale a conclu avec quelques compagnies et mutuelles d'assurances,
dont la Maif, des conventions garantissant aux agents de l'État affectés
dans les établissements d'enseignement publics, lycées, collèges et écoles
un règlement global et rapide des dommages commis sur leurs véhicules. La
mise en œuvre de cette procédure d'indemnisation est subordonnée à l'intervention
d'une décision du Recteur d'académie attestant du droit de l'agent à
bénéficier de la protection juridique.
Pour cela, votre
déclaration, accompagnée d'un rapport établi par le Chef d'établissement,
doit parvenir dans un délai de trois jours ouvrables suivant la
survenance du dommage au Recteur d'académie qui dispose de trois
semaines pour notifier sa décision à l'organisme d'assurances.
La
décision d'indemnisation est favorable si le rapport du Chef
d'établissement fait clairement apparaître le lien existant entre
l'origine du dommage et l'exercice des fonctions, en raison notamment
de la qualité des auteurs de l'agression (élèves, anciens élèves et
parents d'élèves). Elle le sera aussi lorsque, l'auteur de
l'agression n'étant pas connu, il est établi que le dommage résulte
d'un acte de malveillance qui s'est produit alors que le véhicule
était garé, soit dans l'enceinte de l'établissement, soit à proximité de
celui-ci, en un lieu habituellement utilisé par le personnel de l'établissement
pour le stationnement des véhicules.
S'il apparaît, en revanche,
que le lien avec l'exercice des fonctions est absent, ou ne pourrait
être établi qu'à l'issue d'investigations complémentaires, le
Recteur d'académie fera savoir, dans le même délai de trois semaines,
à l'organisme d'assurances son refus de mettre en œuvre ce dispositif conventionnel
d'indemnisation.
V) Le recours au Médiateur de l'Éducation
Nationale
Si vos recours gracieux et hiérarchiques échouent, vous
avez la possibilité de saisir un des Médiateurs de l'Éducation
Nationale.
Les médiateurs, tant au niveau national
qu'académique, reçoivent les réclamations concernant le
fonctionnement du service public, de la maternelle à l'enseignement
supérieur, à l'exclusion de la recherche, émanant tant des usagers
que des agents de l'administration de l'Éducation nationale.
Attention,
vous ne pouvez saisir les médiateurs de problèmes individuels qu'après
avoir échoué dans vos démarches auprès des autorités compétentes. C'est
pourquoi, vous joindrez, à votre demande de médiation, la copie de la décision
contestée ainsi que la réponse au recours que vous aurez exercé.
Il
y a deux niveaux de médiation dans l'Éducation nationale :
* Le
médiateur de l'Éducation nationale qui instruit les réclamations ayant trait
aux décisions prises par le niveau national ou par un établissement à compétence
nationale.
* Le médiateur académique traite des réclamations
ayant trait à des décisions individuelles prises par le Recteur ainsi
que celles prises par l'IA-DSDEN.
Les médiateurs qui estiment la
réclamation fondée émettent des recommandations aux services et
établissements concernés. Ils ne détiennent aucun pouvoir d'injonction
mais les services ou établissements les informent des suites retenues.
Ils peuvent aussi classer votre demande s'ils estiment qu'elle n'est pas
de leur compétence ou manifestement injustifiée, ce dont ils vous informeront.
Une
fois encore, attention, la saisine des médiateurs n'interrompt pas les délais
de recours devant les juridictions compétentes.
Enfin, pour
assurer la transparence de l'action administrative et l'information des
citoyens, la loi du 17 juillet 1978 a reconnu à toute personne le droit d'obtenir
communication des documents détenus par une administration, quels que soient
leur forme et leur support.
Ce rôle est dévolu à la Commission
d'Accès aux Documents Administratifs (CADA) qui est une instance
consultative et indépendante. Elle intervient pour tous documents
détenus par un service de l'État, une collectivité territoriale, un établissement
public ou un organisme chargé de la gestion d'un service public, que
cet organisme soit public ou privé. Elle peut vous aider à obtenir un document
administratif qui vous a été refusé, tel un courrier, un rapport, etc.
Cela
étant, si la CADA ne fait qu'émettre des avis sur le caractère communicable
de documents administratifs, qu'elle adresse aux personnes qui l'ont
saisie et aux administrations qui ont refusé la communication, elle
doit être obligatoirement saisie avant tout recours devant le juge
administratif visant à se faire communiquer ce document.
Laurent
Piau
Laurent Piau, juriste, est l'auteur de l’ouvrage
Le Guide
juridique des enseignants aux éditions ESF
Pour
commander :
http://www.esf-editeur.fr/detail/578/le-guide-juridique-des-enseignants.html